Après avoir travaillé en Alaska avec le peuple Gwich¹in, Nastassja Martin a franchi le détroit de Béring pour entamer une recherche comparative au Kamtchatka. Pendant l¹époque soviétique, les Even, peuple nomade d¹éleveurs de rennes, ont été sédentarisés dans des fermes collectives. Après la chute du régime, beaucoup ont continué d¹être les bergers des rennes qui ne leur appartenaient plus, les troupeaux étant aux mains d¹entreprises privées. Depuis l¹ouverture de la région en 1991, les anciens kolkhozes du Kamtchatka se transforment en plateformes touristiques. En 1989, juste avant la chute de l¹Union soviétique, une famille even aurait décidé de repartir en forêt, recréer un mode de vie autonome fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette. était-ce une légende ? Comment un petit collectif violenté, spolié, asservi par les colons avant d¹être oublié de la grande histoire s¹est-il saisi de la crise systémique pour regagner son autonomie ? Comment a-t-il fait pour renouer les fils ténus du dialogue quotidien qui le liait aux animaux et éléments, sans le secours des chamanes éliminés par le processus colonial ? Quelles manières de vivre les Even d¹Icha ont-ils réinventées, pour continuer d¹exister dans un monde rapidement transformé sous les coups de boutoir de l¹extractivisme et du changement climatique ? Dans ce livre, où les rêves performatifs et les histoires mythiques répondent aux politiques d¹assimilation comme au dérèglement des écosystèmes, l¹autrice fait dialoguer histoire coloniale et cosmologies autochtones en restituant leurs puissances aux voix multiples qui confèrent au monde sa vitalité.